Journée chez Krug

Ce Lundi 17 Février, quelques clients amis m’ont accompagné à la plus belle journée rémoise depuis que je suis dans ce métier (2008). La maison Krug nous a magnifiquement reçu. Nous avons d’abord visité l’outil de « post » production, la cuverie a été transférée au Clos d’Ambonnay depuis le millésime 2024. Au niveau vinification, il ne reste que les plusieurs centaines vins de réserve parcellisés, en cuves inox. Tout le process d’élevage de la bouteille (garde sur lie, remuage, dégorgement, etc…) demeure sur Reims dans ces caves de la maison de famille Krug. Hormis la quête de la meilleure matière première, tout concourt à produire l’un des plus grand vin de Champagne. Dès 1860, Joseph Krug avait compris qu’un village grand cru n’est pas un gage sûr de qualité. Dès le début, il a eu une approche plutôt bourguignonne (parcelle par parcelle) et de façon anti-conformiste de grande maison de champagne de l’époque, le Pinot Meunier avait autant son intérêt quand il était situé les meilleurs cœurs de côteaux. Cette sélection parcellaire perdure… Après la vendange, les vins, isolés à la parcelle, font leur fermentation alcoolique en fûts champenois (205 litres) et sont ensuite conservés dans des cuves Inox tout le reste de la vinification. D’ailleurs la maison ne conserve que la première presse la plus qualitative : »La Cuvée », les fûts champenois sont dimensionnés en fonction de cette presse car pour un marc (unité de mesure presse représentant 4000kg de raisins en Champagne) on récolte 2050 litres de Cuvée (soit 10 fûts champenois) et environ 600 de seconde presse (La Taille) qui peut être conservée par la maison. Mais uniquement dans le but d’élever les nouveaux fûts pour retirer les tannins du bois et autres éléments qui pourraient boisé le vin ensuite. Les 150 vins de l’année, puis les 250 vins de réserve (le plus vieux est 2009) sont ensuite goûtés en comité de dégustation tous les mois pour aboutir à l’assemblage de la grande cuvée (80% de la production), ainsi que les millésimés et les Clos du Mesnil et d’Ambonnay. Après assemblage, les Grande Cuvée reste 6 ans en élevage sur lie et un an après dégorgement machine pour les bouteilles 75cl et manuel pour les magnums et jéroboams (ces derniers sont bouchés liège dès l’assemblage). Les millésimés restent plutôt 12 ans sur lie. En dessous de la maison Krug, sont également stockés des vins datant d’avant la rachat par LVMH en 1999, les vins vont de 1880 à 1998, des trésors inestimables et rarement ouverts.

Nous remontons à la surface, dans la magnifique salle de dégustation, aux 400 échantillons représentant les vins pouvant entrer dans l’assemblage des champagnes Krug. Avant d’être descendus dans les caves, la maison nous avait accueilli avec un verre de Krug grand cuvée 172 édition tout nouvellement mis en marché, je me permets de l’inclure dans cette partie du compte rendu. Avant de passer à la dégustation des 3 champagnes, notre hôte nous a fait découvrir oralement les 3 cépages champenois (Pinot Noir, Chardonnay et Pinot Meunier) par des capsules sonores. En collaboration avec des artistes classiques, 10 capsules sonores ont été inventées et peuvent se retrouver sur le site Krug. Tout comme des collaborations plus abouties et harmonieuses également créées lorsque Krug commercialise ses champagnes issus « autour d’un même millésime » comme « Suite for Krug in 2008 » de Ryuichi Sakamoto, accessible aussi sur Spotify et Youtube que je me passe en ce moment pour écrire ce compte rendu. Mais place aux champagnes !

Dégustation Krug vintage 2003, vintage 2011 et Grande Cuvée 167

# Krug grande cuvée 172ème édition (autour de 2016) :
Ce champagne est l’équilibre même entre la minéralité et la rondeur. Le nez est flatteur avec beaucoup de délicatesse (notes beurrées, un peu boisées et intenses apportées la minéralité et l’énergie du vin). La première bouche est plus sur la minéralité mais avec l’ouverture et le réchauffement dans la verre, la gourmandise du nez ressort davantage. Le vin finit sur une longueur incroyable et même une belle énergie !

# Krug vintage 2003 :
Ce champagne n’est pas mon favori, pourtant la promesse d’une évolution et de cette année chaleureuse ne se retrouve qu’au nez, cela demeure un grand vin ! Mais la bouche est trop étirée pour moi, l’acidité minérale cache la promesse gourmande du nez. Avec le réchauffement dans le verre, l’amplitude commence à se révéler mais le champagne a perdu toutes ses bulles à ce moment là. Il faut tout de même saluer le grand potentiel de ce champagne ! Cette acidité verticale que je peux décrier reste une force juvénile pour ce champagne. Je pense qu’il s’appréciera d’avantage à table qu’en dégustation pure ou avec un peu plus de vieillissement.

Krug vintage 2011 :
Clairement je ne suis pas fan de cette cuvée vintage sur ces 2 millésimes! Sur 2011, Krug a souhaité créer une cuvée. Peu de maisons l’ont fait car c’est un millésime très compliqué dans cette partie nord de la France, et encore plus en Champagne! Le champagne me fait penser à un fruit en sous maturité, épicé comme on peut l’évoquer dans la Loire sur les Cabernet Franc par exemple ou les Merlot dans le Bordelais. Ce champagne vient tout juste d’être mis en marché et il faudra lui laisser du temps pour que ce côté végétal disparaisse. Je classe ce champagne dans ce registre de champagne printanier, presque sèveux,/chlorophylle. Attention, le champagne reste flatteur avec une belle rondeur. Donc je reste optimiste pour ce champagne quand il aura patiné cet aspect végétal. A relire dans le futur…

Krug grande cuvée 167ème édition (autour de 2011) :
Cet aspect printanier du millésime se retrouve également en bouche mais les 40% de vins de réserve viennent resserrer/préciser la bouche bien ciselée et booster l’aspect crémeux et beurré au nez. L’équilibre rondeur et minéralité sont clairement l’ADN de la grande cuvée (ni trop, ni trop peu), il y a même un côté enjôleur et caressant au nez avec quelques notes subtiles d’évolution mais tout en délicatesse.

Déjeuner confectionné par Arnaud Lallement
Place maintenant au déjeuner confectionné par Arnaud Lallement, 1er ambassadeur Krug et chef 3 étoiles Michelin à l’Assiette Champenoise à Reims.

J’avoue avoir pris peu de notes afin de profiter du moment. Je me rappelle du Krug rosé 28ème édition base 2016, petite boule de fruits juvénile, qui était parfait sur la bouchée de homard acidulé mais moins bien sur l’entrée autour de la carotte, entrée exceptionnelle, dont la sucrosité est magnifiée par un jus réduit faisant pensé à un caramel beurre salé. Je me rappelle aussi la timidité du magnum de grande cuvée 169ème édition base 2013, la Saint Jacques et surtout le choux farci l’ont emporté. Les arômes du Champagne n’ont pas pu se montrer mais la structure minérale du vin a tout même joué sa partition plutôt en mode contraste. Je pense que le format magnum n’a pas aidé aussi ce vin mais on retrouve tout de même la signature Grande Cuvée. Le homard et les pickles de navet vont majestueusement bien sur le Krug Grande Cuvée 162ème édition base 2006, là on est à l’apogée du vin, gourmandise, évolution légère, minéralité sont décuplés, 2006 millésime flatteur se retrouve dans cette assemblage! Nous finissons sur un poularde moelleuse à souhait et sa peau croustillante aromatisée et sur un Krug rosé 22ème édition base 2010 , ce champagne saumone, les signes d’évolution se voient à l’œil avec un rosé « fané » et en bouche l’évolution beurrée se confirme mais toujours avec de la tenue, cette acidité du millésime mais aussi un pilier des champagnes Krug.

Décidément, je tombe amoureux des champagnes rosés avec de l’âge et plus globalement des champagnes un peu ancien, avec un majorité de Pinot Noir, l’évolution pâtissière de ce cépages m’émeut…

Et encore merci à tout le réceptif de la maison Krug pour cette journée inoubliable !

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