Vinapogée 2025 : champagnes à maturité et masterclass

Cette année, Vinapogée avait encore lieu au Pavillon Gabriel, derrière les Champs Elysées, proche de la Concorde. Cet événement regroupe les domaines : maisons et vignerons, les plus réputés dans leurs régions respectives. Ces domaines proposent des vins à leur apogée, qui généralement, ne sont plus commercialisés depuis longtemps chez eux. Cela me permet de pouvoir me projeter dans le temps avec les bouteilles que j’ai actuellement en vente sur des millésimes plus actuels.

La Champagne a cette chance de pouvoir continuer à faire bonifier leurs bouteilles avec des élevages sur lies* ou sur pointe* sans le bouchon définitif et dans des conditions parfaites que sont les basses caves de craie champenoise : les Crayères de Reims mais aussi partout ailleurs dans le vignoble. Cela permet de développer lentement des arômes empyreumatiques pour complexifier le vin sans le fatiguer et de façon hermétique. Je pense même que le vin entre en stase et je ne suis finalement pas friand de ces champagnes insolents de jeunesse avec presque peu d’évolution, ou pas du tout parfois. Car ce sont des cuvées haut de gamme qui coûtent 2 fois plus chères que la même version commercialisée 10 ans auparavant. A ce niveau de prix, on doit « en avoir pour son argent » et c’est là que l’élevage avec le bouchon comme pour les vins d’autres régions a tout son intérêt pour développer l’amplitude que je recherche et que j’affectionne maintenant, mais le risque de goût de bouchon est démultiplié même sur les champagnes.

* Sur lie (ou sur latte) : élevage des bouteilles à la verticale avec le dépôt
* Sur pointe : élevage à la verticale après remuage de dépôt dans le goulot

Lors de ce salon, j’ai pu constater que presque toutes les maisons sortent maintenant ces cuvées alors qu’il a quelques années, rares étaient celles qui le proposaient. Il faut rappeler que la maison à l’origine de ce concept est la maison Bollinger depuis sa réserve 1947 dégorgée en 1963 pour concurrencer les têtes de cuvées des autres maisons. Madame « Lilly » Bollinger a proposée par la suite d’autres millésimes postérieurs sur tel ou tel marché national selon les goûts des importateurs. Plus j’avance dans ma vie de dégustateurs et plus j’apprécie les champagnes rosés avec un peu d’âge (et donc dégorgés), coup de cœur sur la Grande Année rosé 2007, c’est un champagne rond, fruité, opulent et avec une touche « oldschool » mais ce mélange de notes de fruits rouges, légèrement évoluées et pâtissières sont réconfortantes. Le Récemment Dégorgé (RD) 2004 arrive 2ème sur cette table, le vin est frais, la bulle encore présente, le fruit est sphérique et on note quelques touches d’évolution. La Grande Année 2008 est la déception du salon, je me suis même demandé s’il était bouchonné, mauvais mélange entre acidité et oxydation, sans volume fruité du vin. C’est pourtant une bouteille mythique et sur un millésime mythique en Champagne. Une deuxième bouteille était proposée, j’aurais dû demander de la goûter pour me faire une vraie opinion.

Le Champagne Pol Roger faisait découvrir sa vinothèque de réserves en récemment dégorgé également, gros coup de cœur pour ce vintage 2004, champagne énergique, rayonnant, citronné et ample à la fois, Winston Churchill 2002, pâtissier et peu vineux, est trop évolué ,au nez, à mon goût, mais plus plaisant en bouche avec cette longueur minérale qui tient serrer cette évolution ici séduisante et l’emmène longtemps en bouche.

Passage ensuite chez la maison de champagne Alfred Gratien qui fait découvrir sa toute nouvelle cuvée Paradis rosé 2008, au nez, c’est fruité et riche, on sent encore un peu le dosage. En bouche, le bois est encore un peu marqué, on est sur des aromes primaires de fruits rouges et une belle vivacité. C’est une bouteille qui n’est pas à maturité mais elle vieillit très bien. Il y a un mois, lors d’un diner avec des clients, j’ai ouvert l’ancienne version du Paradis rosé quand celle-ci n’était pas encore millésimée. C’est grand quand ça évolue comme ça ! Exactement sur le même registre que la Grande Année 2007 détaillée plus haut. On passe sur le meilleur champagne du salon (ex aequo avec Philipponnat Clos des Goisses 1999 V.P détaillé plus bas) : Memory 1998 tiré liège, champagne finement évolué qui goûte la truffe blanche ! Enivrant à la fois au nez et en bouche ! Exceptionnel !

Et puis, je fini cet article par le meilleur, mon partenaire : Champagne Philipponnat. La maison tenait un stand et proposait également une masterclass avec des cuvées différentes. Sur la table ouverte au public, encore des vieillissements prolongés comme chez les autres maisons, le blanc de blancs 2004 VP propose une toute petite évolution noisetée mais dispose d’une acidité rafraichissante. Aucune note d’évolution sur ce réserve 2004 LV, insolent de fraîcheur fruitée… Une fois de plus, ce Clos des Goisses Long Vieillissement 1999 me fait boire de la truffe blanche d’Alba liquide (VP 1998 bu au Grand Tasting 2023). Moment exceptionnel ! On arrête le temps quand on plonge dans ce nectar !

Masterclass Philipponnat : ne pas sous-estimer les millésimes solaires en champagne comme 2003

Présenté par Charles Philipponnat, cet atelier a eu pour but de présenter le millésime 2003, mis en comparaison avec 2002, millésime mythique en Champagne. La quête de Charles Philipponnat est de pouvoir vendanger des « raisins bien mûrs » et les années solaires permettent de vendanger à son souhait, selon les parcelles et les cépages, ce type de qualité recherchée. 2003 est un millésime gélif, de fait concentré et avec peu d’acidité. « Mais le manque d’acidité intrinsèque du millésime n’est pas un défaut quand on a le sol de craie dont dispose naturellement la Champagne ».

# Réserve VP 2003 vs 2002 VP
Dommage que cette cuvée réserve n’est plus produite. Grosse majorité de Pinot Noir et un zeste de Chardonnay. 2003 plus évolué mais l’équilibre est élégant avec l’acidité du vin, 2002 est étiré, trop jeune et pâtit du supplément de matière dont dispose son petit frère.

# Clos des Goisses 2003 magnum vs 2002
Clos des Goisses 2003 magnum dégorgement 2013 est largement au dessus du Goisses 2002 selon mon voisin de table et moi. Fruité primaire et minéralité plus immédiate sur 2002. Plus de densité de fruit et petite évolution mais tenue par la minéralité de ce clos, sublime !

# 1522 grand cru 2003 VP vs 1522 rosé premier cru 2003 VP
Le blanc est frais et n’a aucun marqueur d’évolution par rapport aux Goisses et la Réserve. C’est un 1522 typique avec des sols pauvres où s’exprime en premier lieu la puissance minérale du terroir. Le rosé est fabuleux, le style épuré et élancé du blanc mais avec un supplément d’âme : ce fruité encore primaire et avec des tannins nobles (apport du vin rouge pour l’assemblage). 3ème sur le podium des meilleure cuvée (ex aequo avec Bollinger grande année rosé 2007). Bien sûr, c’est un classement subjectif !

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