Masterclass « Diversité Climatique » Champagne Charles Heidsieck avec Cyril Brun (chef de cave)


Je commence cette semaine par une très belle master class avec le chef de cave Cyril Brun, des champagnes Charles Heidsieck avec un sujet du moment : diversité climatique, qui est une rétrospective des quelques années de Cyril Brun a passées à la tête de cette maison champenoise et dans un second une verticale du brut vintage, puis une surprise à la fin.
Cyril Brun est arrivé aux reines de la maison en 2015 et depuis a voulu rehausseur et uniformiser le niveau de leur cuvée sans année qui représentent 90% en volume sur les 1.300.000 bouteilles produites chaque année. Les millésimés (vintage, vintage rosé, blanc des millénaires, et autres raretés) ne représentant que 10% des volume quand le millésime le permet. Selon Cyril Brun, 2022 a tout le profil pour être millésimé alors que 2021, aucun vin n’a eu d’intérêt à être millésimé.

Le travail de Cyril Brun consiste à perpétuer la bibliothèque de vins de réserve importante dont la maison Charles Heidsieck dispose. Le style des champagnes découlent, selon moi, de cette palette magnifique de « vieux » vins gardés en cuve Inox qui se développent doucement. Les champagnes Charles-Heidsieck se reconnaissent par ce beurré au nez venant de ces vieux Chardonnays. Toute la gamme des sans année (réserve brut, réserve rosé et réserve blanc de blancs) a cette identité, et cela est dû à ce nouveau chef de cave. Les vins de réserve ( de 1996 à 2020) ont pris une plus grosse proportion dans les assemblages de brut sans année : 35/40% sur le brut (quand la moyenne en Champagne est de 20%) et un tout petit peu moins d’un tiers pour les rosés et les blanc de blancs.

Le blanc de blancs a été créé en 1906, la maison étant l’une des premières à le proposer mais trop avant-gardiste pour l’époque. De ce fait, cette cuvée est restée longtemps confidentielle mais la maison a toujours été en veille sur ce cépage et de fait se sert maintenant sur plusieurs côtes champenoises pour le vinifier : Côte des Blancs (Vertus/Oger), Montagne de Reims (Villers-Marmery), dans le Cézannais ainsi que dans l’Aube à Montgueux, selon Cyril Brun, « cette bulle de calcaire est souvent appelée le Corton-Charlemagne de la Champagne », ce dernier cru champenois est recherché par la maison pour ses côtés exotiques.

C’est pour cela qu’on a goûté le Vin Clair 2022 (premier vin) issu de Chardonnays de la colline de Montgueux. Un vin sous-tiré depuis une semaine, il y a encore beaucoup de lies et de fait, le vin est très trouble mais on sent, même si le vin est déséquilibré, un vin exubérant (exotique) quoique.. et cette minéralité traçante (amers prononcés). C’est une parcelle, orienté plein est, jouxtant le Clos Sainte Sophie. Bien sûr, Cyril Brun nous a proposé ce vin non fini et qui entrera dans l’assemblage du blanc de blancs pour nous montrer ce que donnaient les vendanges 2022, aucun intérêt qualitatif mais juste le plaisir de partager les Chardonnays qui étaient encore sur pied il y a un mois…

La maison a moins d’expérience sur la seconde cuvée « rosé réserve » par rapport au blanc de blancs selon Cyril Brun, mais le rosé a tout de même été commercialisé en 1970. Le but de ce champagne n’est pas de faire ressortir la couleur, c’est pour cela que l’assemblage de vin rouge assemblé n’excède pas 5%. Ce Pinot Noir éraflé à 100% provient des contrées des Riceys qui est la plus grosse commune en appellation Champagne et la plus au sud. L’intérêt pour la maison est que ce secteur est un melting-pot de variétés « sélections massales » de Pinot Noir qui proviennent à la fois de la Champagne et aussi de la Bourgogne car ce secteur est très proche des premiers vins en appellation bourguignonne. A ces 5% de vins rouges sont assemblés 95% de la cuvée brut réserve à quelques pouillèmes de vins blancs d’autres crus de champagne qui facilitent l’intégration du vin rouge dans le vin blanc.
Le but de cette cuvée n’est pas d’avoir un rosé monolithique (sur le fruit bonbon) mais d’avoir un équilibre subtil en le fruit et la finesse acidulée. L’objectif est d’avoir un champagne avec la même texture que les 2 autres champagnes sans année blancs. Cette signature beurrée au nez est là sur ce rosé, en bouche le fruit est aérien, ni acidulé, ni massif, mais tout en équilibre et toucher de bouche subtile. Cyril Brun ne veut pas les épices des vins rouges mais préfère un côté gourmand sans lourdeur. Dans un verre noir, on pourrait même aller sur un beau champagne blanc de noirs. La garde est au maximum de 4ans.

Le troisième vin est le champagne brut vintage 2012, c’est un millésimé chaleureux et gourmand mais avec des trames minérales marquées également. Le champagne est constitué de 60% Pinot Noir et 40% Chardonnay, (le Pinot Meunier n’y ayant pas ses place car évolution trop rapide), est dosé à 9g/L. Seuls des premiers et grands crus constituent ce champagne volontairement taillé pour la gamme avec une recherche d’anthocyane et tanins, afin d’apporter une bouche « cubique » prête à traverser le temps. Mais même jeune (10ans maintenant) le champagne est un standard d’équilibre : frais et gourmand à la fois. Cyril Brun le place comme la parfaite synthèse des 2 prochains champagnes : le 2008 sur un trame minérale et le 2006 sur une trame exubérante.

Le quatrième champagne est donc le brut vintage 2008, l’un des derniers grands millésimes de garde champenois. Dégorgé à 8g/L, l’aspect acide ressort en bouche, c’est clairement le champagne le moins prêt à boire même si, au nez, on peut percevoir le style ample de la cuvée et de la maison avec un beurré Charles Heidsieck. Et je trouve que ces 2 personnalités du champagne s’accommodent bien : j’ai trouvé que la minéralité prononcée, quoiqu’encore un peu gênante, était tout de même au service du vin en réanimant (en seconde bouche) la rondeur du champagne.

Le champagne d’après était le brut vintage 2006, c’est le « millésime solaire prêt à boire, même lors des vins clairs » selon Cyril Brun, mais les bases minérales cadrent tout de même le vin, le fait d’avoir été servi en magnum (et avec un dégorgement d’Avril 2022) confère un supplément de fraicheur! Ce millésime m’a fait la même impression lorsque j’ai assisté à la verticale de Taittinger Comtes de Champagne blanc de blancs où le 2006 était plus avenant que les autres millésimes. Mais sur cette cuvée Charles Heidiseck, l’identité au nez était absente, nez plus frais que les premiers vintages. Mais la bouche est un pur délice, un joli champagne plein/volumineux/charnu presqu’à l’apogée de l’évolution d’un grand champagne mais toujours avec une minéralité qui recadre les excès solaires du millésime.

Cyril Brun nous a ensuite fait faire un peu de chimie pour nous montrer que le 2012 avait un peu des 2 profils des 2008 et 2006 en mélangeant ces 2 derniers ensemble. En effet, je vois ce que le chef de cave veut nous montrer mais les acidités du 2008 et l’amplitude du 2006 sont tout de même dissocié et rend, de fait, le 2012 beaucoup plus équilibré sur ces 2 constantes. C’est la première fois qu’un chef de cave propose ce type d’exercice car c’est généralement un sacrilège de faire des mélanges, mais après tout nous sommes en Champagne (appellation reine de l’assemblage)!

Et puis en dernier, sur cette master-class, un champagne bonus, et quel bonus!! Champagne Charlie 1982 servi en magnum également et dégorgé en 1999. Je trouve qu’on est sur les mêmes registres que 2006 mais avec plus d’évolution et de précision. On voyage dans le temps avec une garde magnifique, les arômes tertiaires miellées sont très présentes mais toujours tenues par la minéralité. C’est un vieux champagnes qui reste digeste, avec une palette aromatique riche et incroyable! Pourtant le champagne a été dosé en sucre à 15g/L, ce qui est une hérésie pour le nouveau mode de consommation de champagne. Mais Cyril Brun, par ce champagne, nous prouve que le sucre n’est pas un frein à la longue garde et qu’il assure même une barrière naturelle à l’oxygène dans le temps.

Il nous révèle également un secret par rapport à cette cuvée Charlie 1982, elle est constituée à 27% de vins de réserve. Ce vin a été millésimé à l’époque alors que ce n’était pas un millésimé à 100%. Il nous confie également que le millésime parfait n’existe pas. Il a d’ailleurs fait le test et pour la nouvelle sortie de la cuvée Charlie, ce sera un multi-vintage. Cela me fait maintenant à la cuvée Grand Siècle de la maison Laurent-Perrier qui a toujours défendu cette idée.
Nous l’avons vu d’ailleurs avec la verticale de brut vintage. Et pour lui, nous allons même revenir sur une ère des champagnes non millésimés avec le réchauffement climatique car les vins comme 2022 sont riches et parfois peuvent manqué d’acidité qui est l’une des clés de la réputation mondiale du champagne.

Hors masterclass, j’ai pu goûté tout le reste de la gamme mais le blanc des millénaires 2007 (sur la photo) est un champagne exceptionnel, le nez a une belle évolution avec ce style Charles Heidsieck mais la bouche est encore timide mais se révèlera rapidement sur la même trame : belle rondeur ample en bouche mais finesse et longueur!!!

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