Frédéric Durand-Bazin :
Vous êtes le directeur de la maison Krug qui prote votre nom et a rejoint le groupe LVMH depuis 1999. Est-ce que vous pouvez retracer l’histoire de Krug?
Olivier Krug :
La maison Krug a été fondée en 1843 par mon arrière-arrière-arrière grand père qui s’appelait Johann Joseph Krug qui était allemand et qui depuis une dizaine d’année travaillait dans une autre maison de champagne à qui il n’avait pas réussi à vendre l’idée d’un champagne au goût extraordinaire et consistant. Et donc à l’âge de 43 ans il trouve un sponsor, un mécène qui croit en son projet et qui l’aide à créer ce champagne au goût extraordinaire
Frédéric Durand-Bazin :
On dit que pour résumer le style Krug commence là où le champagne s’arrête. Est-ce qu’on peut en dire plus sur ce fameux style?
Olivier Krug :
Le Style Krug est un style généreux et extrêmement facile à comprendre. Le style Krug rappelle toutes les caractéristiques d’un grand vin, c’est riche en arômes, c’est complexe, c’est long, c’est profond. C’est par excellence l’un des grands champagnes à marier avec les plus belles cuisines mais il y a dans tous ces Krug énormément de finesse et d’élégance. C’est ce que j’appelle la colonne vertébrale de fraicheur de Krug qui est une des caractéristiques de Krug. Donc Krug c’est l’équilibre entre les caractères d’un grand vin et la beauté d’un grand champagne.
Frédéric Durand-Bazin :
Et il y a aussi une vinification en fûts bois?
Olivier Krug :
Pour arriver à ce goût, il y a certaines règles, on appelle ça des piliers dans la maison qui commencent par la sélection des raisins. Chez Krug on a beaucoup plus loin que la simple sélection de Pinot Noir, Chardonnay et Pinot Meunier. On va même encore plus loin dans le choix de différents crus. Dans un même cru, on peut séparer les parcelles, ces parcelles sont vinifiés, et c’est notre deuxième pilier et probablement le pilier le plus connu de la maison Krug, exclusivement en petits fûts de chêne traditionnels, on parle de pièces champenoises de 205 litres qui sont tout sauf des fûts neufs car nous ne sommes pas du tout à la recherche de tanins, de goût de bois, d’amertume qui ne correspondraient pas au goût Krug mais tout se passe dans ces échanges mystérieux entre le vin et l’oxygène au travers du bois. On a chez nous des vins qui subissent une fermentation haute fidélité, donc des vins avec énormément de caractère et d’expression. Et puis le troisième point, qui est le point le plus crucial de la maison, c’est l’Assemblage puisque Krug n’est pas réputé pour un millésime ou une spécialité mais Krug est réputé sa Grande Cuvée qui n’a pas d’année.
Frédéric Durand-Bazin :
Alors comme vous l’indiquiez, effectivement un champagne provient de l’assemblage, assemblage de crus, assemblage de millésime, assemblage de terroir et pourtant vous avez 2 vins particuliers qui sont mono-cépage, qui sont mono-crus et qui sont millésimés. Ce sont le Clos d’Ambonnay et le Clos du Mesnil, pourquoi ce choix?
Olivier Krug :
C’était des choix naturels. Dans notre process, nous sommes obsessifs avec la recherche du caractère de chaque parcelle individuelle et il se trouve que dans l’histoire de la maison, nous avons rencontré 2 parcelles magiques, la première étant cette parcelle extraordinaire du Clos du Mesnil qui est une toute petite parcelle d’1,85 hectare de pur Chardonnay niché au cœur du village du Mesnil et close de mur. Et au fil des dégustations, nous nous sommes rendu compte que les vins produits dans cette parcelle n’avait pas du tout les mêmes caractères des vins du Mesnil qui eux mêmes sont déjà formidables. Et en 1979, mon père et mon oncle ont décidé de faire une petite expérience de tirer à part les vins de ce vignoble et de voir ce que ça donnait.
Frédéric Durand-Bazin :
Et même histoire pour le Clos d’Ambonnay?
Olivier Krug :
Et même histoire quelques années plus tard avec le clos d’Ambonnay, histoire qui a commencé au tout début des années 1990 avec quelques approches et puis une acquisition secrète de ce vignoble en 1994 suivi de la formidable vendange de 1995, une mise en bouteille bien évidemment secrète et il y a 2 ans, nous avons convié les quelques amateurs de Krug et quelques amis à découvrir ce nouveau joyau que l’on cachait depuis 15 ans.
Dégustation Champagne Krug 1998 par Olivier Krug :
Ce soir, nous dégustons Krug 1998 qui est le plus récent des rares millésimes de Krug, le 4ème est dernier millésime de la décade des années 1990 qui a vu passer les exubérants 1990 et 1996, le très classique 1995. 1998 est une année atypique puisque c’est une année excessivement chaude. C’est un défi pour l’assembleur et en 1998 nous avons fait ce vin qui est opulent, riche, miellé, généreux et qui est en même temps toujours avec cette architecture de fraicheur, cette colonne vertébrale de vie que l’on attend de tous les champagnes Krug. Son prix est entre 250 et 300€ chez votre bon caviste. Le bon accord chez Krug est un sujet très vaste, très libre. Il n’y a pas de champagne plus versatile que Krug. Le bon accord peut être celui d’hier soir chez un ami restaurateur : un homard simplement grillé sur la braise avec un beurre demi-sel, succulent.
Source : Le Figaro.fr